Move On
J'ai écrit l'article qui suit il y a deux mois. Je n'avais pas vraiment envie de le publier, j'avais juste besoin d'écrire. Mais peut-être que ça vaut la peine qu'il soit lu ...
Neuf mois déjà que je suis aux Phillipnes.
Mon travail me force à cottoyer une multitude de personnes, des enfants, des parents, des grands parents, des oncles, des tantes,... L'accueil dans les familles est toujours un instant magique. Pouvoir partager un moment la vie de ces gens, apprendre à connaître leur histoire et essayer de comprendre comment ils vivent sont autant de moments forts.
Mais comment font-ils? Parce que la question est bien là. A force d'interviews, j'ai entendu un nombre d'histoires horribles à vous couper le souffle. Leur air joyeux quasi-permanent est déconcertant. Ils se plaignent, certes, des conditions dans lesquelles ils vivent ou plutôt survivent mais garde un ton serein, ne pleurent que très rapidement... Mais que ressentent ils ? Je n'en sais rien. Lors de mes entretiens avec les mères le plus souvent, je leur demande combien d'enfants elles ont et ce qu'ils font, où ils sont. Il n'est par rare qu'elles m'e répondent qu'un, voire même plusieurs d'entre-eux, sont décédés, que d'autres ont disparu et qu'elles sont sans nouvelles depuis plusieurs années, que l'un vit dans la rue, qu'un autre vit chez un proche parent très loin,... Le ton dramatique n'est pourtant jamais d'usage, même certaines réflexions sont surprenantes.
Un jour je demandais à une mère de 14 enfants si les plus âgés travaillaient et pouvaient participer aux frais de scolarités de leurs frères et soeures plus jeunes. Elle me répondit que ses deux fils aînés étaient décédés. Je pris une tête de circonstance lorsqu'on vous apprend une nouvelle de ce genre, mais la mère continua de parler et me dit: "Heureusement j'avais 14 enfants donc j'en ai toujours 12".
Est-ce une blague, une façon de faire passer la pillule, de détendre l'athmosphère? Je n'en sais rien. Des évènements terribles se produisent et touchent la plupart de ces familles si pas toutes et ils acceptent des choses que l'on trouverait intolérables par chez nous. Le décès d'un enfant, d'un parent nous en parlons, nous en pleurons, nour mettons du temps à nous en remettre, à l'accepeter, à penser à autre chose, cela se voit sur nos visages, dans nos attitudes,... Ici rien ne transparait ou un bref moment... Ces histoires sont-elles tellement courantes qu'ils se sont résignés et qu'ils acceptent et regardent vers l'avant, qu'ils doivent continuer à vivre et qu'il ne sert à rien de s'étendre sur des faits qui ne dépendent plus d'eux?
Je me suis rendue à Alcadev cette semaine, un internat dans les montagnes. Après quelques heures sur place, la principale de l'école m'annonce, entre deux cafés, que deux étudiants sont décédés, Jonna et Ren Lee qui étaient frère et soeur. Jonna devaient rentrer en rétho cette année et c'est elle qui m'accompagnait toujours faire le tour de la ferme. Je demande à Maam Ping Ping, la responsable du programme, ce qui s'est passé et là, elle m'apprend qu'ils se sont fait tuer par leur oncle pour des histoires de conflits familiaux... Hein, quoi, comment? Est-ce possible? Essayant d'obtenir des informations pour rendre la chose moins abérante (ce qui n'a pas été le cas), j'apprends que Jonna, 17ans, et son frère, 14 ans, ont été tué le 2 juin, que leur meurtier après avoir avoué le meurtre de deux personnes aux gens du village s'est enfui et que du coup les élèves d'Alcadev ont fait un rateau dans la montagne pour retrouver les corps de leurs deux camarades. Je vous passe les autres détails sordides. Comment cela a-t-il pu arriver? Des élèves cherchent les corps? Je ne comprends pas, cette histoire me dépasse... Le ton sur lequel m'est raconté l'histoire est le même que celui utilisé pour m'indiquer les toilettes, je suis perdue, je suis en plein cauchemar. Sont-ils habitués à ce genre d'histoire? Une recherche de corps de nos camarades de classe ne nous aurait-elle pas value 10 ans de thérapie chez un psy dans les pays développés?
Touchés, les élèves et professeurs l'étaient c'est incotestable, mais résignés également... Ne pas s'étendre sur le sujet, ne pas crier à l'injustice, continuer... Comme le disait Maam Ping Ping "We have to move on".
Mon travail me force à cottoyer une multitude de personnes, des enfants, des parents, des grands parents, des oncles, des tantes,... L'accueil dans les familles est toujours un instant magique. Pouvoir partager un moment la vie de ces gens, apprendre à connaître leur histoire et essayer de comprendre comment ils vivent sont autant de moments forts.
Mais comment font-ils? Parce que la question est bien là. A force d'interviews, j'ai entendu un nombre d'histoires horribles à vous couper le souffle. Leur air joyeux quasi-permanent est déconcertant. Ils se plaignent, certes, des conditions dans lesquelles ils vivent ou plutôt survivent mais garde un ton serein, ne pleurent que très rapidement... Mais que ressentent ils ? Je n'en sais rien. Lors de mes entretiens avec les mères le plus souvent, je leur demande combien d'enfants elles ont et ce qu'ils font, où ils sont. Il n'est par rare qu'elles m'e répondent qu'un, voire même plusieurs d'entre-eux, sont décédés, que d'autres ont disparu et qu'elles sont sans nouvelles depuis plusieurs années, que l'un vit dans la rue, qu'un autre vit chez un proche parent très loin,... Le ton dramatique n'est pourtant jamais d'usage, même certaines réflexions sont surprenantes.
Un jour je demandais à une mère de 14 enfants si les plus âgés travaillaient et pouvaient participer aux frais de scolarités de leurs frères et soeures plus jeunes. Elle me répondit que ses deux fils aînés étaient décédés. Je pris une tête de circonstance lorsqu'on vous apprend une nouvelle de ce genre, mais la mère continua de parler et me dit: "Heureusement j'avais 14 enfants donc j'en ai toujours 12".
Est-ce une blague, une façon de faire passer la pillule, de détendre l'athmosphère? Je n'en sais rien. Des évènements terribles se produisent et touchent la plupart de ces familles si pas toutes et ils acceptent des choses que l'on trouverait intolérables par chez nous. Le décès d'un enfant, d'un parent nous en parlons, nous en pleurons, nour mettons du temps à nous en remettre, à l'accepeter, à penser à autre chose, cela se voit sur nos visages, dans nos attitudes,... Ici rien ne transparait ou un bref moment... Ces histoires sont-elles tellement courantes qu'ils se sont résignés et qu'ils acceptent et regardent vers l'avant, qu'ils doivent continuer à vivre et qu'il ne sert à rien de s'étendre sur des faits qui ne dépendent plus d'eux?
Je me suis rendue à Alcadev cette semaine, un internat dans les montagnes. Après quelques heures sur place, la principale de l'école m'annonce, entre deux cafés, que deux étudiants sont décédés, Jonna et Ren Lee qui étaient frère et soeur. Jonna devaient rentrer en rétho cette année et c'est elle qui m'accompagnait toujours faire le tour de la ferme. Je demande à Maam Ping Ping, la responsable du programme, ce qui s'est passé et là, elle m'apprend qu'ils se sont fait tuer par leur oncle pour des histoires de conflits familiaux... Hein, quoi, comment? Est-ce possible? Essayant d'obtenir des informations pour rendre la chose moins abérante (ce qui n'a pas été le cas), j'apprends que Jonna, 17ans, et son frère, 14 ans, ont été tué le 2 juin, que leur meurtier après avoir avoué le meurtre de deux personnes aux gens du village s'est enfui et que du coup les élèves d'Alcadev ont fait un rateau dans la montagne pour retrouver les corps de leurs deux camarades. Je vous passe les autres détails sordides. Comment cela a-t-il pu arriver? Des élèves cherchent les corps? Je ne comprends pas, cette histoire me dépasse... Le ton sur lequel m'est raconté l'histoire est le même que celui utilisé pour m'indiquer les toilettes, je suis perdue, je suis en plein cauchemar. Sont-ils habitués à ce genre d'histoire? Une recherche de corps de nos camarades de classe ne nous aurait-elle pas value 10 ans de thérapie chez un psy dans les pays développés?
Touchés, les élèves et professeurs l'étaient c'est incotestable, mais résignés également... Ne pas s'étendre sur le sujet, ne pas crier à l'injustice, continuer... Comme le disait Maam Ping Ping "We have to move on".